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mercredi 23 juin 2010

Alphonse

Alphonse avait les idées noires ces temps-ci.
Remarque, ils les avaient presque toute l’année, cela dit.
Le plus clair de son temps, il passait ses soirées dans les bars, là où il se liait d’amitié avec les patrons. Ceux la même qui lui portait un peu d’attention et d’amitié sincère.
Il était jeune Alphonse, 27 ans, et un prénom lourd à porter pour sa belle gueule d’ange.
Un prénom qui ne lui allait guère.
C’était un bel homme, de taille moyenne, des cheveux très bruns et légèrement ondulés, un visage mature et une peau mate, de belles fossettes lorsqu’il s’apprêtait à sourire, et le tout animé par des yeux verts et un regard pétillant.
Bref, Alphonse, au-delà de son prénom qui en faisait rire plus d’un lorsqu’il se présentait, sombrait une fois de plus dans la déprime.
Il venait pourtant d’emménager dans un nouvel appartement, bien plus grand. Un trois pièces de 73m² pour lui tout seul. Enfin, pas vraiment. Lui, et ses trois chats.
Le premier soir de son emménagement, après avoir déballé sa première dizaine de cartons, il se rendit compte que son gosier réclamait un juste abreuvage. Il décida alors d’en arrêter la sa manutention, et de filer droit au zinc.
Il avait donc opté pour le café rouge, celui de la grande place, car il affectionnait particulièrement le patron, qui le regardait toujours droit dans les yeux et qui jusque là, ne l’avait jamais jugé…pas comme certains.
Il arriva au pas de course, comme un assoiffé. Il poussa la porte du dit café.

- « Yessss ! Alphonse !!! Comment va, ma poule ??Ca faisait un moment !!! »
- « Hey !!! CONNARD !! Heu pardon ! Conn….BERNARD !!! Comment va ahaha ! »

Et c’est ainsi, une fois de plus, que les bières coulèrent à flot, les unes à la suite des autres, dans le doux gosier d’Alphonse.
Il s’abreuva ainsi jusqu’à n’en plus soif.
Rentra chez lui tant bien que mal, évitant malhabilement quelques réverbères sur son chemin, et enfin, se vautra telle une merde, sur son lit, dans cette chambre, cette nouvelle, encore encombrée de cartons, vide de tout autre meubles, vide de toute autre âme. Même de la sienne.

Le lendemain, très mal et avec une bonne pâteuse, il se leva.
Se dit qu’il devait absolument courir vers une pharmacie afin de virer l’orchestre cacophonique qui œuvrait dans sa tête.
Il avait repéré, quelques jours plus tôt, une pharmacie non loin de sa nouvelle demeure.
Une pharmacie qui ne le connaissait donc pas.
- « Aie… » pensa t-il
- « Tant pis, on verra bien… »

Peu de temps après, il poussa la porte de la nouvelle pharmacie.
Vide de monde.
Une fausse blonde, vieille et botoxée a mort, l’accueille de derrière son comptoir.

-« Bonjour Monsieur ! » (Voix de commerçant blasé)
-« Bonjour, SALOPE !!! Heu non...pard…CONNASSE !!! JE VOUDRAIS DU DOLIPRANE, PUTE-SALOPE !!! MAIS NOOOON !!! »

La femme, d’abord surprise, pâlit. Enfin, elle se mit à trembler, puis prit peur, et, ne sachant que dire ni que faire, elle appela la police.
Alphonse se prit la tête dans les mains, et pleura. Il savait bien que plus il stressait, plus ça empirait.
Lorsque la police arriva, et qu’on lui donna enfin le droit de parler après le résumé hystérique de la pharmacienne, il plongea la main dans la poche intérieure de son manteau pour en sortir son portefeuille, et de celui –ci, il sortit un petit papier plié en deux qu’il tendit à l’officier de police.
Le policier, après un regard étonné, prit le petit papier, le déplia et lu :

« JE SUIS ATTEINS DU SYNDROME DE GILLES DE LATOURETTE .VEUILLEZ ME PARDONNER .JE SUIS DÉSOLÉ POUR LE DÉRANGEMENT. »


E.E

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