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mercredi 23 juin 2010

Henriette

Henriette Mesclun était veuve .Elle avait perdu son cher et tendre il y a déjà 21 années. Celui-ci l’avait lâchement abandonné, emporté par un cancer du côlon fulgurant.
A cinquante-cinq ans elle se retrouvait donc seule, dans cette immense maison de campagne faite de pierres, une maison qu’ils avaient aimé, qu’ils avaient choisi, pour y passer leurs années de mariage, jusqu’à ce que la mort les sépare.
Alors oui, la mort les avaient séparé justement.
Et elle se retrouvait là, Henriette, dans cette maison, qui ne lui plaisait plus maintenant.
Trop de souvenirs, trop de nostalgie. Trop de solitude. Cette maison était devenue vide d’amour et de vie.
A 55 ans, Henriette en voulait cruellement à la vie.
« Jusqu’à ce que la mort vous sépare », elle se souvenait encore de cette phrase du curé lors de son mariage avec Firmin. Jamais elle n’avait songé à la mort, jamais elle n’avait envisagé qu’un des deux pouvait mourir, laissant l’autre seul.
Comme si elle s’imaginait, à cette époque, qu’ils mourraient ensemble, en même temps.

Quelques années après la mort de son mari, se sentant décidément trop seule et trop usée par la tristesse, elle décidât d’adopter un chien.
Elle prit donc un teckel, relativement grand d’ailleurs ce teckel, puisqu’il était croisé avec un épagneul. Elle le surnomma Frimin, pour retrouver un peu la consonance du nom de son mari, et retrouver aussi un peu de chaleur nostalgique quant à l’appel de l’animal.
Henriette et Frimin vécurent heureux pendant presque 15 ans. Car malheureusement, le cœur de celui-ci lâcha bêtement lorsqu’un matin le coq s’était mit à chanter plus tôt que prévu.
C’est ainsi que Henriette se retrouva à nouveau seule, dans cette grande bâtisse.
Par désespoir, sans doute, ou bien par colère ou encore par frustration, elle se dit que non, elle ne resterait pas une fois de plus seule, lâchement abandonnée, et fit donc empailler Frimin.
Elle lui trouva sa place idéale, bien en face d’elle et suffisamment proche : Sur le poste de télévision.
Ainsi, Henriette avait toujours son compagnon près d’elle. Elle se sentait donc moins seule et arrivait à retrouver le sourire.

Un jour où elle s’occupait de son jardin, elle cogna de sa bêche, un objet métallique.
Elle s’agenouilla pour déblayer à la main la terre autour de celui-ci et découvrit une clef. Une magnifique et vieille clef, de couleur or. Une grande et grosse clef, comme on en trouve rarement de nos jours. Le genre de celles qui ouvrent de grandes et grosses portes en bois.
« Quelle belle clef ! » se dit t-elle émerveillée, « et comme c’est étrange de trouver cela ici… je vais la garder et l’accrocher quelque part !»
Sur ce, elle empocha la clef dans son tablier et se remit au travail.
Un peu plus tard, en rentrant du jardin, elle alla dans sa chambre, se dirigea vers sa coiffeuse et ouvrit sa boite à bijoux. Elle en sortit une chaîne en or que lui avait offert son mari dans le temps .Elle y passa la clef, et descendit au salon. Là, se disant que cela lui irait très bien, elle passa la chaîne avec la clef autour du coup de l’empaillé, et admira quelques minutes l’animal.
« Parfait ! Tu es magnifique mon Frimin ! »
Après avoir dîné, elle se mit dans son fauteuil pour regarder la télé, et comme chaque soir, elle s’endormit devant.
Au petit matin, elle ouvrit ses yeux et bailla. Son mal de dos la fit gémir, alors elle s’étira, et fit craquer quelques vertèbres.
Elle chercha ses pantoufles du bout des pieds sans succès, et sentit à la place, quelque chose d’extrêmement doux. Cela ne ressemblait en rien à ses chaussons. Intriguée, elle se penchât, et regarda.
Là, ses yeux s’écarquillèrent, et, en l’espace d’une seconde, blanche comme un linge, elle regarda en direction de la télé. Rien.
Henriette baissa à nouveau les yeux au sol, et fut prise d’un terrible sursaut.
Frimin était à ses pieds, il respirait et battait de la queue tout en léchant le pied de sa maîtresse.
Malheureusement pour Henriette, son dernier sursaut lui fut fatal, et sur cette dernière image, elle partit rejoindre son mari, laissant là, Frimin, seul, dans cette immense maison de campagne, faite de pierres.

E.E

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